Echos logiques

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(Le crucifiement de Saint Pierre par Le Caravage ; du même peintre, à droite, La conversion de Saint Paul et tout en bas, L'amour vainqueur).

"Echos logiques", entretien de Nathalie Stefanov in Contacts, catalogue de l’exposition Contacts, Le Trapèze à Amiens, 1999.

[…] NS : Dans ton travail, tu montres que la mise en avant du fonctionnement même de l'œuvre est importante ; qu'il est important de comprendre les mécanismes et les fonctionnements internes de l'œuvre.
PH : Oui, et pour moi cela est lié à toute l'histoire de l'art, quelle que soit l'époque. Schématiquement, il y aurait deux types d'artistes : ceux qui fournissent dans l'œuvre les clés de lecture et ceux qui ne les fournissent pas. Pour comprendre la démarche de ces derniers, il faut donc réunir toute une documentation extérieure à l'œuvre. Aujourd'hui on a des petits cartels, des modes d'emploi, etc. C'est à cela que je m'oppose. Dans l'histoire, on retrouve cette opposition entre Caravage et Poussin. Caravage fournit-il le mode d'emploi de son travail ? Bien entendu. Sur le travail qu'il établit sur les lumières, par exemple. À Rome, on a la chance de voir les peintures dans les lieux mêmes qui leur étaient initialement destinés. Caravage a prévu des éclairages fictifs à l'intérieur des toiles qui se relient aux éclairages réels du lieu tout en exhibant leurs contradictions. D'autre part, Caravage a travaillé sur le point de vue. Par exemple pour Le Crucifiement de Saint-Pierre et La Conversion de Saint-Paul, deux toiles en vis-à-vis peuvent être observées depuis des emplacements croisés qui révèlent les points de vue non frontaux choisis par Caravage (en fait, que le lieu l'a incité à choisir). Il montre donc comment les toiles sont construites et quel est leur point de vue privilégié (car contrairement aux anamorphoses traditionnelles, les autres points de vue fonctionnent, moins bien, si l'on veut, en tout cas autrement, et la leçon du point de vue privilégié conduit, lorsqu'il est possible d'accéder aux autres, à s'interroger sur la manière dont ces derniers le constituent). Ce qui représente une façon parmi d'autres de rendre visibles les conditions de la fiction. Toute entreprise artistique qui rend conscient l'observateur des opérations effectuées pour appréhender un objet est susceptible d'éviter la manipulation de cet observateur, de ce fait moins tenté d'être fasciné par un prétendu génie […]