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Emprégnation congruative
Si l’emprégnation désigne cette relation physique de cause à effet établie entre deux aspects d'une même entité, ou entre celle-ci et sa représentation, l’emprégnation représentative se greffe de surcroît sur chacune des cinq modalités de représentation déjà répertoriées ici, sans lesquelles elle ne peut s’établir (de même qu’une ressemblance ne suffit pas à construire une figuration, une relation de dépendance n’entraîne pas à elle seule l’installation d’une emprégnation représentative).
Par ailleurs, la congruation suppose une relation sensorielle analogique entre représenté et représentant partageant la même perception.Morris Louis, Gamma Omicron, magna et peinture acrylique sur toile, 1960.
Lorsqu'on laisse une peinture suffisamment liquide s'écouler sur une toile elle laisse une trace qui témoigne de son passage. C'est cette empreinte du passé, sèche et statique, que nous pouvons observer à plusieurs reprises devant ce tableau dans notre présent. La peinture rend compte de quelque chose qui a existé grâce à elle mais qui se distingue en partie de son état définitif. Il y a donc emprégnation et représentation. Les aspects qui ne s'en distinguent pas ressortent de l'emprégnation congruative : matière, couleurs, largeurs.
Nous ne sommes pas dans l'arbitraire (ce serait une insignation) mais l'un des aspects représentés, un mouvement de haut en bas, ne partage pas directement de stimuli avec chaque bande colorée irrégulière (immobile et plate) qui s'affiche devant nous (c'est pourquoi ce n'est pas une figuration ordinaire sur ce paramètre). Mais notre regard, à partir d'indices (largeur de moins en moins grande des trainées) peut suivre le parcours de chaque écoulement et le reconstituer formant ainsi une analogie qui relève de la figuration intergénérique (entre paramètres distincts : c'est le mouvement d'yeux qui simule la peinture qui coule).
Par ailleurs, l'orientation de chaque bande étant incompatible avec celui d'un écoulement sur la toile présentement, nous sommes amenés à la modifier par l'imagination (et sans faire pivoter notre tête). Nous imaginons alors les différents écoulements dans le sens de la gravitation tels qu'ils ont bien eu lieu. Comme ils se répartissent en deux groupes contradictoires ils interdisent de simplement faire pivoter le tableau en un seul mouvement homogène.Lorsque nous redressons chaque groupe de bandes mentalement sur la toile, nous effectuons une double insinuation.