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Emprégnation évocative
Si l’emprégnation désigne cette relation physique de cause à effet établie entre deux aspects d'une même entité, ou entre celle-ci et sa représentation, l’emprégnation représentative se greffe de surcroît sur chacune des cinq modalités de représentation déjà répertoriées ici, sans lesquelles elle ne peut s’établir (de même qu’une ressemblance ne suffit pas à construire une figuration, une relation de dépendance n’entraîne pas à elle seule l’installation d’une emprégnation représentative).
Par ailleurs, l'évocation suppose une relation sensorielle analogique entre représenté et représentant mais dans des domaines sensoriels distincts.
Ci-dessus : Josef Svoboda, scénographie pour Le crépuscule des dieux de Richard Wagner, au Royal Opera House de Covent Garden, Londres, 1976 (mise en scène par Götz Friedrich).
Des loupes géantes carrées étaient suspendues sur scène de manière à montrer l'image agrandie de certains chanteurs. Nous sommes ainsi conduits à appréhender sensoriellement des personnages plus grands que nature.
Comme les géants de l'Or du Rhin n'interviennent pas dans cet opéra (dans ce cas il s'agirait d'une emprégnation simulative), la taille gigantesque doit être mise sur le compte d'une perception psychologique, relevant de l'emprégnation évocative. Le chanteur est en effet responsabble physiquement de son image (emprégnation) et la taille de cette dernière est censée affecter l'affect d'un personnage fictif ou de celui qui l'aborde (évocation).
Ci-dessus : Patrice Hamel, Réplique N°27 (2002), Version n°1 (2002), œuvre in situ avec miroirs et projection lumineuse mouvante depuis un projecteur muni d'un gobo. Centre d'art du parc Saint Léger, Pougues-les-eaux.
La Réplique n° 27 utilise la projection lumineuse d’un mot réversible sur deux supports en alternance (grâce au faisceau d’un projecteur oscillant de l’un à l’autre) : sur la surface d’un miroir répercutant en face l’image du mot élargie par le faisceau lumineux dont elle dépend, et sur la partie de mur située au-dessus afin que les réflexions du mot se reproduisent à l'infini grâce au second miroir situé en vis-à-vis. Une série d'emprégnations encastrées les unes dans les autres.
Chaque répétition d’un même vocable entraîne donc une transformation de taille. Si nous suivons la consigne inscrite au sein de l’œuvre, nous vectorisons le parcours de notre regard depuis le plus réduit des avatars jusqu’au plus important. Il n’est dès lors pas impossible d’évoquer parallèlement des intensités, équivalentes dans leur progression à celles des sons virtuels ayant participé à l’émergence du sens dont le mot est porteur. Et d’autant plus si l’autodésignation du phénomène est favorisée par l’une des possibles lectures du verbe véhiculé, celle de son inscription en tant qu’impératif (et non comme participe passé masculin pluriel). L’usage de ce dernier, intimant l’ordre, n’entraîne-t-il pas l’affermissement d’une sensible levée de ton ?
L'évocation s'effectue entre des domaines sensoriels distincts et se greffe ici sur une insignation, celle des sons imaginés permettant eux-mêmes dans un second temps de désigner un concept.