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Endo-conformation
James Turrell, Bridget's Bardo (The Wolfsburg Project), installation architecturale et lumineuse, 2009-2010. Kunstmuseum Wolfsburg, Allemagne © James Turrell. Photographie de Detlef Günther.
Nous découvrons la passerelle donnant accès à l'ouverture pratiquée en haut du lieu dans lequel nous pénétrons. Puis nous descendons le long de la rampe d'accès (voir ci-contre) et nous découvrons devant nous une surface qui n'est pas de la même couleur que le reste du lieu. Enfin nous bénéficions d'une vue depuis l'extérieur, à travers l'ouverture du bas.
La conformation n'est pas gage de vérité s'agissant de l'état des choses tel qu'il peut être constitué matériellement, c'est une appréhension sensorielle comme une autre, construite cognitivement. Cette œuvre nous le démontre mieux que toute autre.
Elle s'établit à partir de stimuli externes, à condition qu'aucun indice visuel (si l'on choisit ce domaine sensoriel) ne perturbe ce résultat.
En effet, nous comprenons au bout d'un moment (surtout dsi nous avons u circuler à l'extérieur du dispositif et déduit la réalité de l'espace) que la surface qui apparaît devant nous (d'une autre couleur que les autres parois du lieu car provenant de sources distinctes) est en fait fabriquée par notre cerveau, car à cet endroit se trouve en fait un lieu au volume imposant. Les stimuli provenant de l'environnement sont bien calculés de façon à nous conduire à cet état sensoriel. Si le plan perçu devant nous est conformé c'est parce que rien d'autre de plus consistant ne contredit son établissement. Pour qu'une représentation ait lieu, il est nécessaire qu'une conformation reliée par des proceptions communes puisse s'y opposer simultanément. Rien de tel ici.
James Turrell, Bridget's Bardo. Photographie de Zooey Braun. Ci-contre : à l'intérieur du lieu sous la rampe d'accès, avant de se retourner pour franchir l'ouverture menant à la sortie.D'ailleurs, nous n'avons pas accès à une autre conformation, celle de l'espace qui se trouve réellement devant nous (ce qui arrive souvent avec d'autres œuvres de Turrell) parce que, dans les conditions imposées par ce dispositif, nous n'avons pas le droit d'outrepasser certaines limites spatiales qui détruiraient nos sensations.
Nous n'avons pas davantage la possibilité d'élaborer des modalités de représentation parce que celles-ci supposeraient d'être confrontées simultanément à des conformations qui les contrediraient sur certains aspects.
En revanche, les couleurs contrastées qui apparaissent à travers les ouvertures (en haut et en bas de la rampe) relèvent d'une substitution de conformation car nous pouvons franchir ces ouvertures et découvrir que ces apparences colorées ne sont pas créées par des sources existantes matériellelement parlant, mais qu'elles sont également un produit de notre esprit en action (puisque nous pouvons constater que la lumière, lorsqu'on se trouve de l'autre côté, est blanche). Et comme nous ne pouvons confronter en même temps ces deux états, ils se remplacent l'un l'autre sans pouvoir constituer de représentation.
Sur la photographie ci-contre, ces couleurs complémentaires qui semblent sortir des ouvertures ne sont pas visibles car il faut être dans le lieu, submergé par la couleur principale qui l'habite, pour les faire apparaître à nous. C'est un processus biologique dont peu d'œuvre nous font prendre conscience comme ici.