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    Ensignation complétive

    El Greco, Résurrection, 1595, musée du Prado. Prenons cette toile du Greco, pour montrer comment l’immanence de l’art entre en activité. Lorsque nous sommes en face d’une telle peinture, le traitement très spécial adopté nous oblige à nous poser des questions, et plus particulièrement dès lors que nous remarquons un détail : le peintre, dans cette résurrection, n’a pas peint le sexe du Christ.

    L'ensignation suppose une relation
    arbitraire entre représentant et représenté.
    Lorsqu'elle est complétive c'est qu'il faut
    de surcroît imaginer le représentant à partir
    des indices fournis. Il existe toutes sortes de
    symboles liés au sexe en tant qu'organe.
    Ici, l'arbitraire provient du fait qu'en ressuscitant
    le Christ conserve son corps matériel, du moins en
    apparence, mais perd ses orgaes génitaux.

    elgreco.png

    Seuls ceux-ci seraient donc liés à l'humanité du
    personnage. Nous sommes donc conduits à
    imaginer une notion qui a disparu. Il existe bien
    une analogie au niveau de la perte (le manque
    hysique produit l'évocation d'un manque plus
    abstrait) mais le fait de pouvoir, à partir de là,
    supposer que la qualité d'être humain est absente
    de ce personnage divin, est de l'ordre de
    l'ensignation complétive.

    Pour satisfaire notre entendement, soit nous consi-dérons qu’il a été oublié, censuré, estimant que nous sommes conviés à l’imaginer, soit nous acceptons que le personnage est tel que le présente son image à cet instant de son histoire. Or son étendard flotte juste à côté et aurait pu faire office de perizonium si l’une des pointes s’était trouvée flotter juste un peu plus bas. Nous en déduisons la volonté explicite du peintre d’exhiber l’absence d’organe, car en montrant explici-tement qu’il aurait pu le cacher, il expose en fait qu’il n’y a rien à cacher. Il nous reste à comprendre la signification d’un tel geste. Leo Steinberg nous ayant appris que le sexe était, dans le langage religieux de l’époque, le symbole visuel de son incarnation sur terre, nous pouvons facilement relier son passage vers des cieux abstraits à la disparition visible de son humanité. C’est la question des stimuli qui est ici en cause : dans l’univers proposé sont-ils tous repré-sentés ? Ou faut-il combler un manque ? Dans ce contexte, la désincarnation justifie un tel état sans qu’il soit besoin de compléter. L’absence de sexe est bien effective, construite pour ne pas susciter d’autres vues, fussent-elles mentales. L’organisation des constituants de ce tableau nous conduit à nous appuyer sur l’immanence des sensorialités mais en référence à un sujet prédéterminé, qui nous incite à privilégier une interprétation misant sur la présence de tous les stimuli entre les jambes du Christ et non point à parier sur une censure volontaire nous con-duisant à combler mentalement une absence qui paraîtrait incohérente selon les critères de la vraisem-blance appartenant au monde représenté, fût-il en partie sunaturel.

    Claude Simon, Leçon de choses, roman, éditions de Minuit, 1975. Dans ce roman se trouve le passage suivant : "...poussant devant lui une brouette de fer à la roue garnie d'un pneumatique. En travers de la brouette est couchée une pelle de terrassier au fer arrondi et ébréché. Elle sent ses moustaches sur son cou au-dessous de son oreille elle sent ses lèvres elle sent soudain sa langue humide et râpeuse sur sa peau elle frissonne..." Nous sommes évidemment perturbés car le récit a basculé grâce à la dernière phrase dans une autre histoire que celle qui précédait. Nous étions en compagnie de maçons en train de rassembler leurs outils lorsque soudain nous assistons aux préliminaires d'une scène érotique. C'est alors que nous réalisons que l'expression "rouler une pelle" peut être convoquée

    mentalement et qu'un signifiant commun permet de relier les deux parties. La langue française fonctionne sur l'insignation systématique de concepts représentés grâce à leur liaison, arbitraire mais codifée, avec des groupes de lettres et de phonèmes sans rapport d'équivalence. Ici l'insignation est encore davantage mise à contribution puisqu'une même suite de lettres permet de convoquer deux types d'actions référentielles totalement différentes : transporter un outil de terrasse-ment dans une brouette ou s'embrasser avec la langue. Et ce groupe signifiant est mental de surcroît puisque nous devons le trouver par nous-mêmes, qu'il n'est jamais écrit. Il s'agit bien d'une ensignation complétive à double signification qui s'appuie sur un signifiant virtuel.

    lecondechoses1.jpg
    lecondechoses2.jpg