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Evocation complétive
Il s'établit une évocation complétive lorsqu'un représentant partage une analogie avec un représenté n'appartenant pas au même domaine sensoriel et sans que nous puissions avoir accès sensoriellement à cette analogie.
Ambrogio Lorenzetti, Annonciation, détrempe sur bois, 1344.
La perspective qui gère la disposition du carrelage au sol introduit l'idée d'un espace qui pourrait se poursuivre par le biais du point de fuite qu'il est possible de situer mentalement sur la partie du tableau où la colonne centrale se mêle au fond doré. Daniel Arasse a montré plus que tout autre les liens particuliers entre l'Annonciation et la perspective.À cet endroit où la colonne est constituée du même matériau que le fond sur lequel elle est d'ailleurs gravée, la notion d'espace représenté a tendance à disparaître et favorise la perception d'un plan unique. La colonne symbolise à l'époque l'enfant de Marie dont la naissance est annoncée par l'ange (cet aspect culturel qu'il faut connaître pour apprécier la complexité du tableau trouve une incarnation plastique par le traitement évolutif de la colonne de bas en haut).
C'est donc en convoquant la géométrie et ses lois qui imposent aux lignes parallèles de se rejoindre sur un point unique qu'il est possible d'évoquer la notion de convergence, mais complétivement puisque le point de fuite, non matérialisé, est même contredit par le plan doré (et le fait que l'or puisse symboliser le divin infini relève d'une insignation, un tout autre type de représentation).
La notion s'applique de manière abstraite au sujet traité, le personnage annoncé, dont la conception échappe au domaine sensoriel proprement dit (c'est pourquoi l'analogie relève de l'évocation), et vers lequel en effet tous les signes de cette peinture sont censés converger.