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Figuration
Pablo Picasso, Tête de taureau, selle en cuir et guidon en métal, 1942 (Musée national Picasso).La figuration concerne chaque entité (objet entier) dont les constituants sont établis à partir des lois de la congruation, de la simulation ou de l'insinuation. Ces dernières se définissent selon qu'elles entretiennent ou non des analogies avec les conformations simultanées (aspects concrets du médium utilisé) ou avec les proceptions (sensations sur les récepteurs sensoriels) associées à ces dernières.
Dans le cas d'une sculpture qui figure un objet en volume, la congruation acquiert une part très importante. La selle en cuir et le guidon en métal suffisent lorsqu'ils sont assemblés de manière adéquate à figurer une tête de taureau grâce à leur contour qui congrue celui des cornes et du crâne (depuis le sommet plus large jusqu'aux naseaux resserrés) d'une tête de bovidé.
D'autres aspects peuvent alors s'ajouter, qu'ils soient également congrués (le cuir de la peau conservée du taureau) simulés (les taches sur les cornes grâce à la rouille du métal) ou insinués (les trous des naseaux grâce à la paire de clous sur l'extrémité pointue de la selle), actuels (les courbes des profils) ou virtuels (les cavités oculaires).
Ellsworth Kelly, Untitled VI, sculpture métallique, 1983.
Les sculptures dites "abstraites" ne sont pas nécessairement éloignées de la figuration (dans le sens où nous utilisons ce terme).
Pour qu'une figuration s'établisse, il suffit qu'un aspect de l'entité figurée soit simulé, c'est-à-dire qu'il doit partager une proception commune avec le médium convoqué (par exemple la forme d'un volume) mais en s'opposant à l'une de ses conformations (par exemple à cause du matériau travaillé).
Certes, cette œuvre de Kelly porte surtout sur ses caractéristiques conformatives (comme le centre de gravité particulièrement mis en valeur) mais lorsque nous supposons que la plaque de métal semi-circulaire est pliée en deux parties inégales, nous simulons ce pliage car plusieurs éléments conformatifs s'y opposent comme la rigidité et l'épaisseur du métal choisi, voire la trop impeccable ligne de faite.
Nous sommes alors conduits à forger la figuration d'un objet singulier, dont la matière est imprécise, mais qui est susceptible d'acquérir fictivement des plis variables.Par ailleurs on voit qu'au sol il est facile de fabriquer une image étrangère aussi bien à cette conformation spatiale qu'à la représentation concomittante, puisque le contour de l'ombre, dépendant pourtant de la sculpture, dessine une demi-ellipse d'un seul tenant (du moins à certaines heures de la journée) et totalement plane (v. la notion d'imprégnation).