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Simulation complétive
Il s'établit une simulation virtuelle lorsqu'un représentant s'oppose sensoriellement au représenté de même domaine sensoriel auquel il est associé parce que ce dernier donne l'impression d'être occulté.
Max Bill, Drei Schwarz und drei Bunt zu Weiss, huile sur toile, 1983.Certaines œuvres sont réglées de telle façon qu'elle nous rendent capables de déduire avec précision des éléments qui ne sont pas apparents.
La surface du carré figuré qui semble recouverte est en partie simulée complétivement car nous avons l'impression de sa présence occultée tout en sachant que c'est une invention (simulation) et que nous ne pouvons que l'imaginer (complétion).
L'une des bandes blanches est de surcroît entièrement cachée, et si nous pouvons la déduire c'est parce que l'ordonnancement des bandes colorées est identique dans les deux carrés et que celui du dessus la montre en entier.
L'orientation de la bande orange presque dissimulée, que nous pouvions dans un premier temps supposer horizontale et perpendiculaire à son double, est également réévaluée en biais du fait de cette règle découverte.
En revanche, les parties manquantes (hors-champ) du carré fictivement superposé relèvent de l'insinuation complétive (v. cette notion) car aucun stimulus n'autorise que nous puissions avoir l'impression de cette présence (qui n'est ici pas camouflée).
Le Tintoret (Jacopo TINTORETTO), Baptême du Christ, huile sur toile, 1581. Scuola di San Rocco, Venise.La simulation complétive peut avoir lieu autrement qu'en passant par l'occultation effectuée par un objet intermédaire.
Dans cette toile du Tintoret, les personnages de l'arrière-plan sont esquissés alors que ceux du premier plan sont d'une facture sans faille. Si des contours blancs irréguliers ont été choisis pour le fond c'est donc pour que l'imprécision des traits simule la parcimonie de l'éclairage en contre-jour, en soulignant les seules silhouettes, et signale ainsi la déperdition des aspects sensoriels concomitants, liée non moins à la distance.
Nous sommes ainsi conduits dans un second temps à compléter mentalement ce que nous ne voyons pas des personnages éloignés, en simulant complétivement leurs traits de visage et le détail de leurs vêtements.
Michel-Ange (Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni), Le Jour, sculpture en marbre, 1478-1516. Tombeau de Julien de Médicis, Chapelle Médicis, Florence,Le traitement plastique de cette œuvre pourrait nous paraître aujourd'hui proche de principes impressionnistes, si de tels procédés avaient été utilisés plus tard en sculpture.
L'incroyable invention de Michel-Ange (dont le Tintoret s'est probablement rappelé en le transcrivant en peinture) provient du fait que nous ne voyons pas les traits du visage de ce personnage représentant le Jour, comme si nous étions éblouis par la lumière qu'il dégage.
La déficience proceptuelle (issue d'un manque de certains stimuli) qui est repérable à l'intérieur de la représentation provient ici d'un problème de vision et non d'une occultation produite par un objet intermédiaire. A moins que nous ne considérions la lumière elle-même comme un cache.