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Autonommées 1
« Quand les œuvres parlent d’elles-mêmes » Autonommées 1. Espace J. & J. Donguy. Exposition collective 2000.
Curator : Patrice Hamel.
Les "autonommées" sont des œuvres
qui se désignent elles-mêmes.
Photographies : Marc Domage.
Avec : Betty Bui, José Calvelo, Benoît Carré, Claire Dehove, Jean Dupuy, Claude Faure, Patrice Hamel, Jason Karaïndros, Pascal Lecoq + Kitschcock, Guy Lelong, Miller Levy, Eric Sadin, Isabelle VodjdaniL’« illusion intentionnelle » est la chose du monde la mieux partagée. Elle concerne tout observateur projetant sur une œuvre une interprétation qu’il attribue aux intentions de l’artiste sans se soucier de ce qu’il a effectivement sous les yeux. Elle s’applique aussi aux artistes qui proposent des commentaires de leur travail, sans doute liés au projet initial mais éloignés de ce qu’ils ont en fait réalisé.
Toute autre est la démarche de ceux qui cherchent à guider les personnes extérieures à leur travail en fournissant dans l’œuvre même les clés de lecture de celle-ci. Faire appel aux mots dans l’œuvre elle-même est l’un des moyens pour y parvenir. C’est ce qu’ont tenté les artistes d’Autonommées.
*La trace d’une incompréhension s’établit parfois entre les œuvres et leurs récepteurs, quand ceux-ci ne fournissent pas l’effort nécessaire pour les aborder correctement. Puissent les créateurs ne pas augmenter l’écart !
AUTONOMMÉES, un ensemble d’œuvres constituées de mots les désignant
1) Le projet de cette exposition de groupe est de réunir des travaux centrés sur des mots, choisis de manière que le sens dont ils sont porteurs ne soit pas extérieur aux éléments de l’œuvre qui les utilise.
2) Ces éléments pointés par les aspects sémantiques seront les paramètres constitutifs des mots eux-mêmes, les aspects sensoriels des œuvres, le lieu d’accueil de celles-ci ou les relations établies entre les objets exposés et le spectateur.
3) Selon les cas, les mots parleront des aspects sémiotiques, matériels, conceptuels, perceptuels, cognitifs
.4) Ces mots pourront constituer l’œuvre entière, y être intégrés, ou être reliés à certaines de ses parties.
5) Chaque pièce développera un type d’autodésignation particulier, afin de montrer les multiples possibilités de ce fonctionnement.
6) L’autodésignation pourra s’effectuer sur le mode dénotatif, ironique, métaphorique…
7) Il s’agira ainsi de guider l’observateur et de rendre explicite ce qui sera mis en jeu.
8) Les mots n’interviendront pas obligatoirement en tant qu’écrits (encre ou peinture sur toile ou papier) mais ce mode ne sera pas exclu. Tous les matériaux peuvent ainsi être mis à contribution (adhésifs en vinyle, néons, métaux, sable, etc). Par ailleurs, les pièces exposées ne seront pas nécessairement visuelles (si c’est le cas il pourra s’agir de sculptures, d’installations, de projections). Elles pourront donc être sonores, audiovisuelles, tactiles.
Autonommée de Patrice Hamel : Réplique n° 16 (1999), Version n° 2 (2000), vinyles adhésifs en bleus clair, médium et foncé. La verrière de la Galerie Donguy donne sur une cour. Depuis l’intérieur, il sera possible de lire, sur trois de ses vitres horizontales superposées, un mot laissant son empreinte dans du vinyle adhésif. Comme les lettres sont dessinées de manière qu’elles soient symétriques, la projection en négatif sur chacun des murs parallèles situés en vis-à-vis de la verrière permettra de lire un autre mot de plus en plus effectif. On se souviendra alors qu’il avait été vu depuis l’extérieur.
Autonommée de Guy Lelong : Le récit plastique Un plan tramé se présente sous la forme de trois murs raccordés à l’espace de la galerie. Un texte, placé à hauteur des yeux, se déploie sur la largeur de ces trois murs. Si le texte du premier mur se contente de décrire les interventions plastiques qui affectent son support, celui du deuxième mur se transforme progressivement en une fiction que le troisième fait littéralement basculer.
CLIQUER SUR L'IMAGE CI-DESSOUS POUR VOIR LA VERSION BANDE DESSSINÉE DE CE RÉCIT PLASTIQUE ET LIRE LE TEXTE EN ENTIERAutonommée 1 de Miller Levy : Polaroid (cibachrome), ci-contre. J’ai l’habitude en tant qu’artiste faisant des choses très variées, de me définir comme artiste de « variétés ». En fait cela me vient plus par goût de la logique que par goût de l’ironie. D’ailleurs ironie et logique seraient presque une seule et même chose. Quand l’ironie dit que sans une phrase il n’y a jamais rien d’autre que des mots, la logique dit la même chose. Si « pourquoi » est dans cette phrase c’est « parce qu’ » il est là mais surtout parce qu’elle est là, la phrase. Il s'agit de trouver le mot caché dans le tissu.
Ci-dessous : vidéos de Miller Levy.
Autonommée 2 - Jolly View : Un réalisateur cherche la véracité d’un scénario qui rendrait la réalisation du film inutile. Et si la réponse se trouvait dans le titre ?
Autonommée 3 - Générique : Sa définition défile lentement de bas en haut de l'écran.
Autonommée de Betty Bui : Volte-face (lettres transparentes et rideaux en tulle bleu). Les rideaux sont posés dans l’encadrement d’une porte ; 5 pans en tulle bleu se succèdent. Sur chacun s’inscrit une découpe sur film transparent. Sur le recto de la première face est découpée le mot VOLTE ; sur le verso de la dernière, le mot FACE. Sur les pans intermédiaires, un jeu de découpe permet de passer du mot VOLTE au mot FACE. C’est en traversant les rideaux que le spectateur pourra découvrir la transformation, mais c’est aussi grâce à la transparence de l’ensemble que l’on verra toutes les découpes.Autonommée de José Calvelo : Invisible (photographie). Le visible peut être plus mensonger que l’invisible. Ou comment, en d’autres mots, les altérations que le noir et blanc impose à la réalité sont illustrées par l’ironique témoignage d’une photographie en couleur qui montre ce qu’elle n’est pas pour mettre en exergue une vérité photographique élémentaire. D’où il résulte, peut-être, que pour dissoudre une illusion, il faut parfois en bâtir une autre.
Autonommée de Benoît Carré : Entre nous soit dit. Série de miroirs de petites dimensions, sur chacun desquels est gravée une courte phrase — en général une expression toute faite du langage courant, ce genre de phrase que l’on balance à une personne afin de lui renvoyer une image d’elle-même aussi définitive que la sentence est lapidaire. Ce petit jeu cruel (dans lequel le reflet sert à piéger le regard du lecteur) se double d’un autre jeu — de mots cette fois-ci — qui résulte de la seule rencontre de la phrase avec son support. A ce niveau littéral, c’est alors l’acte de regarder, la matérialité du miroir, le reflet du visage ou le lecteur lui-même (en tant que présence pensante nécessaire au fonctionnement du dispositif) qui se trouvent désignés.
Autonommée de Jean Dupuy : Titre : sans œuvre. Œuvre sans titre (carton, plexi et encres). La feuille sur laquelle est écrit l'anagramme en couleurs est vue à travers le trou du carton accroché sur le mur, donnant sur un creux pratiqué dans la paroi. On voit l'œuvre installée à droite de l'image qui se trouve sous ces deux photograhies.Autonommées d’Isabelle Vodjdani : Issue de secours (peinture murale verte) + L’épaisseur du miroir (textes gravés sur des miroirs). L’emplacement et l’orientation du texte délimitent le champ de sa dénotation. Ils indiquent d’abord une direction dans une configuration spatiale donnée. Il y a un sens avant qu’il y ait du sens.Au fond de l’espace Donguy, c’est un haut mur plein, loin de toute issue, qui marque un arrêt dans le parcours visuel. Découpée en réserve dans la couleur verte qui recouvre le mur, l’inscription « issue de secours », inversée comme dans un miroir, apparaît comme un non-sens. A moins qu’il ne renvoie le regardeur à ses propres issues.
Autonommée de Pascal Lecoq + Kitschcock : « Reliefs oxo 82 ( LES INITIALES DE CES TEINTES COMPOSENT CET ENONCE ) ». 42 panneaux, laque glycérophtalique sur bois, caractères adhésifs, dimensions variables. « Montrer par exemple que le langage pictural et le langage écrit peuvent devenir des frères siamois, dans un lien qui n’est pas une juxtaposition mais une interpénétration. »
Autonommée de Claude Faure : Diptyque (techniques mixtes). Huile sur toile - oil on canvas (73 x 120 cm. Techniques mixtes). Ces expressions reviennent régulièrement dans les catalogues d’exposition. Une occurrence très improbable veut que l’anglais OIL (huile) s’inscrive très exactement au centre du français TOILE. En somme une huile anglaise sur une toile française. Pour pouvoir nommer la pièce en évitant un charabia bilingue dépourvu de sens, il faut disposer de deux éléments identiques : oil on canvas - huile sur toile.
Autonommée de Jason Karaïndros, ΑΛΗΘΙ (néon blanc et timer). Titre sur cartel : "ΑΛΗΘΙ" ("LES VERITES" en grec ancien). L’œuvre est constituée du mot « ΛΗΘΙ » réalisé en néons blancs fixés au mur, et d’un timer (20 X 70 cm, 1999). L'inscription reste éteinte durant 70 secondes, et s'allume durant 30 secondes. Le mot: ΛΗΘΙ signifie L'OUBLI en grec ancien et moderne. Grammaticalement la lettre « A » est un préfixe privatif (en français par exemple: typique-atypique). Etymologiquement les vérités sont celles qui ne tombent pas dans l'oubli.
Autonommée de Claire Dehove : Réduit de l’écartype (lumière noire et peinture fluorescente). Si Claire Dehove s’immisce dans l’accrochage des œuvres autonommées, ce n’est cependant pas très net. La lumière noire qu’elle envoie de ci de là est en lutte constante avec les rayons parasites. Faire des révélations et détecter l’intrus ne se fait pas du coup dans l’évidence. Par ironie, c’est dans un réduit que s’écrivent les propos décapants. Quand on a fait le tour des pièces, les pièces ont fait le tour de la question, c’est la seule chose qu’on puisse ajouter.Autonommée d’Éric Sadin : « programmeS »