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Exo-conformation
Ce mode sensoriel concerne les sensations des objets ou des aspects externes ressentis comme réellement présents, ici et maintenant. Il s’intéresse donc aux éléments sensoriels rendant compte directement de notre réalité concrète. Toutefois les exo-conformations ne sont pas plus un décalque de la réalité physique extérieure que les proceptions ne reproduisent ce qui se passe vraiment sur nos organes sensoriels. Elles peuvent donc entrer en phase avec ce que nous savons du réel mais peuvent parfois contredire notre savoir.
N.B. : Conformation est parfois utilsé comme abrévation de exo-conformation (qui se distingue de l'endo-conformation définie par ailleurs).
Richard Serra, TTI Londres, sculpture en acier résistant aux intempéries, 2007 (Photographe : David Levene).Les artefacts artistiques ne sont pas nécessairement assujettis à la représentation, ils peuvent exposer leurs seules qualités exo-conformatives, et sans faire appel aux objets trouvés, préalablement constitués. Ici nous avons affaire à une plaque de métal rouillée, ondulée de manière à pouvoir entourer l'observateur, aux biais et aux courbes calculés afin de mettre en évidence le centre de gravité de la sculpture. Autant d'éléments affichant leur état, à chaque fois purement (exo)conformatif.
Marcel Duchamp, Porte-bouteilles, Paris, ready-made, printemps 1914.
Porte-bouteilles en fer galvanisé (environ 64 × 42 cm), choisi en 1914 au Bazar de l'Hôtel de Ville (BHV) de Paris, « sur la base d'une pure indifférence visuelle ». L'artiste n'intervenant que pour choisir et intituler l'objet, celui-ci prend le nom de Porte-bouteilles et plus tard Séchoir à bouteilles ou Hérisson.
Avec ce dernier titre, nous changeons brutalement de registre. L'objet exposé ne peut plus uniquement se référer à lui-même. Il n'expose plus seulement sa conformation d'objet concret mais fait alors appel en même temps à une représentation figurative, celle d'un animal aux piquants lointainement analogues aux piques de l'ustensile. Dans ce cas, nous sommes très loin de la selle en cuir et du guidon en métal de Pablo Picasso (1942, Musée national Picasso) qui n'a pas besoin d'un titre pour faire apparaître une Tête de taureau tant les analogies sensorielles sont cette fois flagrantes.
Il est curieux que Duchamp ait finalement pensé à ce titre, lui qui prétendit d'abord n'exposer qu'un ready-made, car en suggérant une analogie figurative qui n'était pas prévue par l'usage de l'objet choisi, il le sort de sa pure conformation. De surcroît, il révèle ainsi que ce porte-bouteilles n'était peut-être pas le meilleur parangon de la stricte indifférence visuelle revendiquée, si tant est qu'une telle notion puisse véritablement s'incarner.Paul Cézanne, Château noir, huile sur toile, vers 1900-1904 © National Gallery of Art, Washington.
La figuration ne s'établit qu'en fonction d'une conformation à laquelle elle s'oppose au moins partiellement. Au point de détruire parfois l'assujettissement de la forme au contenu.
Si les différentes intensités de bleu simulent les fluctuations de la lumière à travers les branches devant le ciel en haut à droite de ce tableau de Cézanne, l'orientation des traits de pinceau associés à ces nuances de couleurs semble autonome aux mêmes endroits et fait ressortir des aspects conformatifs liés à la seule peinture puisque rien ne justifie ces directives, sinon la volonté de l'artiste de privilégier l'aplat de son support.