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Exo-proception
Les proceptions (abréviation de "exoproceptions") sont les sensorialités effectives provoquées par des stimuli externes et telles qu’elles sont restituées au sujet en tant que traces laissées sur ses différents capteurs. Ainsi, lorsque nous regardons une soucoupe ronde positionnée à l’horizontale devant nous (si nous sommes debout le cou dressé), les stimuli qui nous parviennent dans ces conditions provoquent tout d’abord la sensation d’une ellipse (constitutive de la proception visuelle) à partir de laquelle le contour circulaire de la soucoupe positionnée dans le lieu où nous nous trouvons (participant à la conformation des aspects concrets) pourra être déduit par notre cerveau.La proception peut se suffire à elle même et ne conduit pas nécessairement à des sensorialités associées à notre réalité tangible (dans ce cas nous appréhendons des formes, couleurs, trainées, flashes, sans qu'ils puissent faire survenir des sensations d'objets, d'entités repérables). En réduisant les stimuli proposés à l'observateur, grâce à la vitesse ou l'obscurité, certaines conditions parviennent à provoquer ce genre de proceptions isolées.
Mais lorsque la proception mène à la conformation d'objets situables dans l'espace où nous sommes, elle peut non moins conduire à réaliser des représentations, selon différentes modalités qui utilisent la proception comme repère. Un ellipse proceptuelle peut nous amener à repérer une concrète ellipse dessinée sur une feuille de papier, en nous permettant non moins d'appréhender simultanément le rond d'une soucoupe figurée cette fois dans un espace représenté en perspective.
Une représentation qui s'appuie sur une proception n'indique pas ipso facto que cette dernière a existé avant d'être convoquée. Elle signale simplement que le monde représenté à cet instant est constitué comme s'il fonctionnait à partir de stimuli externes à l'observateur.
Une figuration peut s'établir à partir d'une proception commune à celle de la conformation des matériaux d'apparence concrète qui ont été choisis et agencés à cette intention.
Felice Varini, "Kantonschule Stadelhofen", œuvre in situ, Zurich, 1988.
Cette œuvre est réalisée à même le lieu visible sur la photographie jointe. Lorsqu'on descend l'escalier, un cercle rouge nous apparaît (et non moins des bandes rouges soulignant les bords des éléments de l'architecture visibles à l'intérieur) qui se déconstruit dès lors que nous abandonnons ce point de vue privilégié.
Nul doute que la proception ne joue un rôle crucial dans ce travail puisque la sensorialité du rond parfait intervient sur notre récepteur visuel sans qu'elle puisse trouver un exact équivalent formel dans l'espace réel où nous nous trouvons à cet instant, les bandes rouges utilisées concrètement étant de tailles différentes entre elles et situées à des profondeur ou sur des plans distincts. C'est d'ailleurs ainsi qu'elles apparaissent dès lors qu'on s'avance et quitte le point de vue utillisé sur cette photographie.
Et c'est à partir de l'établissement d'une telle proception que nous sommes amenés dans un second temps à figurer devant nous un cercle frontal flottant dans l'espace devant nous.
EMG, Tremblez enfance z46, album, éditions Tanibis, 2013.
Dans la case ci-contre issue d'une bande dessinée, les personnages sont censés exister dans le monde particulier où ils évoluent à partir des mêmes proceptions que celles sur lesquelles reposent leurs dessins. C'est-à-dire que la proception qui a permis de constituer leur apparence visuelle figurée n'est pas ici défective mais est utilisée fidèlement eu égard à l'univers concerné. Grâce aux informations fournies ici et ailleurs (notamment dans les cases suivantes), nous ne sommes pas conduits à imaginer des aspects qui ne seraient pas représentés (ce qui serait le cas s'il s'agissait d'une esquisse), par conséquent nous considérons que deux des personnages sont constitués de fils irréguliers et enchevétrés.