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L'œuvre de l'art pour un observateur souverain
PARTIE I
Œuvres analysées :
- L'homme à la tête en caoutchouc
de Georges Méliès
- Salut de Stéphane Mallarmé
- Alice de Bob Wilson
- Kantonschule Stadelhofen, Zurich
de Felice Varini
- Tremblez enfance z46, de EMG, éditions Tanibis.
- Triangles de Gaetano Kanizsa
- Portfolio mit 6 Siebdrucken
de Verena Loewensberg
- Rusty James de Francis Ford Coppola.PARTIE II
Œuvre analysée :
- Il était une fois en Amérique
de Sergio Leone.Partie II : Conférence Patrice Hamel à la Base from Patrice Hamel in https://vimeo.com/541389393https://vimeo.com/541389393
PARTIE III
POUR VISIONNER
CLIQUER SUR : CE LIEN
Œuvres analysées :
- Drei horizontale Teilungen
de Richard Paul Lohse
- L'enfance d'Ivan d'Andreï Tarkovski
- Le Christ mort d'Andrea Mantegna
- La mémémoire, aventure de
Philémon par Fred
- L'étrangleur de Boston
de Richard Fleischer
- Watchmen de Alan Moore
et Dave Gibbons.
Conférence qui eut lieu à La Base, rue Bichat, Paris, le 26/10/2020, préparée avec Aurore Leblanc, et filmée par Stéphane Mortier.Tout d’abord, une présentation des outils conceptuels qu’il est nécessaire d’acquérir pour devenir souverains de ses moyens d’appréhender une œuvre d’art. Il convient d’éviter les délires interprétatifs tout autant que les assujetissements aux programmes nous imposant ce que nous devons penser ou ressentir. Fort de ces outils chacun pourra aborder une œuvre en faisant confiance à ses propres jugements face à l’analyse de ses sensations.
Accorder le corps et l’esprit :
Il s’agit de montrer quels types de sensorialités et de représentations sont utilisés dans l’appréhension des œuvres d’art. Je suis à même de fournir les outils conceptuels permettant de les repérer, et creuser ce que l’on a ressenti dans un premier temps, pour aider à comprendre les modalités sensorielles effectives, oucelles qui supposent d'être complétées. Je définirai ensuite les catégories de représentation (l’évocation, la figuration, la simulation, la congruation, l’insinua-tion), et non moins l’infra et le para-perceptuel.
Nous analysons des œuvres d’arts plastiques, des extraits de films ou de fiction littéraire, avec ces outils d’appréhension privilégiant la perception des observateurs. Il s’agit de replacer la perception au premier plan. Le regard du spectateur doit compter davantage que les intentions de l’auteur. Les œuvres analysées seront celles qui fournissent leurs clés d’appréhension et qui n’ont pas besoin d’être aidées par des modes d’emploi externes.
J’aimerais redonner confiance à l’observateur, au spectateur-auditeur. Face à l’art, certaines personnes pensent qu’elles vont s’ennuyer ou que ce n’est pas fait pour elles, que c’est trop compliqué ou trop savant qu’il y a trop de références culturelles sollicitées d’emblée. Il faut donc échapper à l’intimidation culturelle. Mais tout ce que nous repérons doit être réfutable (Karl Popper) pour être correctement admis et transmissible. Le sensoriel décérébré ou le conceptuel désincarné seront tout autant exclus puisqu’il s’agit de réconcilier le corps et l’esprit, les sens et la raison.Nous nous interrogerons sur ce qu’est une fiction ? une création qui ne se réfère pas à quelque chose qui aurait existé auparavant. Qui sollicite le lecteur, spectateur, auditeur. Quel est son rôle ? Prendre conscience des opérations artistiques effectuées. Préférer l'mmanence à la transcendance, par exemple au cinéma s'intéresser en priorité aux rapports images-sons et aux modalités de transitions. qui participe à la production du sens et non à l’expressivité soumise aux contenus préalables.
L’imagination au pouvoir :
Nous abordons les virtualités dans les œuvres d’art : l’imagination du récepteur est alors à la manœuvre. Nous montrons comment l’observateur que nous sommes est capable de prolonger mentalement les opérations mises en place par l’auteur de l’œuvre abordée. Nous définissons ce que nous entendons par « virtualités ». Nous repérons leurs différentes modalités en analysant des œuvres visuelles appartenant aux arts plastiques.
Nous montrons ensuite comment la virtualité est active dans une installation lumineuse et un roman auto-désignatif. Nous développons les différentes manières d’impliquer les nouvelles technologies lorsqu’elles se confrontent à la réalité perçue simultanément et les virtualités qu’elle suppose. Nous évoquons les intrications qu’il est possible d’obtenir à l’intérieur d’un même domaine sensoriel ou entre des sensorialités distinctes, par exemple le visuel et le tactile, de façon à nous rendre conscient de leurs natures respectives antinomiques (comment une réalité relevant du toucher peut contredire ce qu’un visiocasque fait apparaître en même temps). Nous détaillons les transitions représentationnelles qu’il est possible de développer, en prenant des exemples dans des films qui les mettent en valeur, et qui pourraient être appliquées à des dispositifs mixtes mêlant RV et vidéo. Enfin nous mettons en perspective les transitions spatiales autorisant les passages d’un visiocasque à un autre et donnant l’impression d’un parcours à travers différents cerveaux.L’élitisme pour tous :
Quels objectifs ? : former des spectateurs, auditeurs, lecteurs… C’est une chose qui n’a jamais été prise en compte dans l’enseignement public non spécialisé. Comment donner aux gens les moyens de comprendre les arts (cinéma, peinture, théâtre, BD, musique, littérature), et cela en commençant dès la maternelle. Former des artistes, des écrivains, des musiciens, c’est un autre sujet, tout aussi important bien entendu mais qui ne peut se faire que dans un second temps, une fois acquise une certaine maîtrise du regard, de l’écoute, de la lecture (ce qui ne se pratique actuellement que dans des écoles spécialisées)… Par ailleurs, tout le monde ne devient pas artiste, écrivain, cinéaste, musicien, tout le monde en revanche peut devenir lecteur, auditeur, spectateur de haut niveau.
Les avantages multiples :
1) rendre accessibles la réception des pratiques artistiques savantes auxquels chacun a le droit d’avoir accès, quels que soient sa classe sociale, son âge ou sa culture. Pouvoir bénéficier ainsi des avantages propres à chaque discipline et élargir son champ de découverte, ne pas se contenter des produits commerciaux qui passent abusivement pour populaires alors qu’ils sont la plupart du temps néo-libéraux, faciles d’accès au plus grand nombre pour le seul profit pécuniaire et le nivellement par le bas. Avoir le plaisir de découvrir et comprendre la raison de ses sensations, ouvrir ses émotions à d‘autres mondes inconnus. Changer son mode de vie quotidien, savoir mieux s’occuper en découvrant la richesse des réalisations artistiques, transformer son environnement en appliquant les leçons retenues.
2) parvenir ainsi à être capable de mieux contrôler l’action des médias qui utilisent les mêmes constituants, pouvoir repérer plus facilement les manipulations effectuées en leur sein, les erreurs, les réussites permettant d’aborder le monde ou de le transformer.
3) bénéficier des modalités de représentations utilisées abondamment par les arts depuis des millénaires et les exporter dans d’autres domaines, notamment politiques. Par exemple, étudier les outils conceptuels et pratiques équivalents, avec leurs spécificités, pour tenter de saisir les différentes manières de représenter le peuple : figuration, simulation, congruation, insignation, évocation, insinuation, emprégnation. Analyser des extraits de films, de tableaux, de BD pour repérer les opérations effectuées, trouver les concepts adaptés et les appliquer dans d’autres domaines. Pourquoi ne pas se servir de ces acquis ? On gagnerait un temps précieux.
Transversalités ou comment fédérer le peuple :
1) La transversalité doit s’effectuer entre disciplines. Par exemple entre la sélection naturelle de Darwin et le transformalisme de Mallarmé. Ces deux révolutionnaires ont en commun d’avoir su redonner l’initiative à la forme. Le premier pour démontrer que l’organe crée la fonction, l‘autre pour créer l’émergence du sens à partir des constituants formels. Auteurs de deux révolutions coperniciennes équivalentes (inversant la hiérarchie de l’expressivité où la forme est assujettie au contenu) qui ont construit tout le XXe siècle et qu’il serait utile de comparer. Il s’agirait ainsi de réconcilier la nature et la culture, un lien étroit qui concerne la perception des œuvres d’art.
2) La transversalité doit s’effectuer entre peuple et élites. Par élites je n’entends pas les oligarques, bien entendu, qu’il faut détrôner, mais de nouvelles élites qui seraient formées selon des critères ne favorisant pas les plus aisés. Élites en tant que praticiens de disciplines artistiques immanentes et fournissant leurs clés d’appréhension, mais aussi élites en tant que lecteurs, auditeurs, spectateurs de haut niveau, comme je l’ai envisagé. Il ne s’agit pas d’histoire de l’art dans un premier temps mais de fournir les moyens de disposer des moyens de comprendre les niveaux de représentations ou d’appréhension sensorielle utilisés dans une œuvre artistique.
Conclusion :
On peut fédérer le peuple autrement que par l’écologie, la réception des arts est un moyen qui peut être tout aussi important et que l’on a réservé de plus en plus malheureusement aux seuls loisirs paresseux (or tout le monde adore comprendre comment fonctionne un film, un tableau, un texte et partager ces moments de grâce). L’élitisme pour tous (formule de Luis Buñuel, Jean Vilar, Antoine Vitez) serait une solution qui réconcilierait toute la population. Pourrait se mettre en place une forme d’hyper-démocratie, où les gens seraient plus à même d’être souverains de leurs réactions face à une œuvre qu’ils découvrent. Par ailleurs il est nécessaire de trouver des liens entre le peuple à construire et des élites nouvelles. Une réception savante des œuvres d’art pourrait y participer.