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Proception complétive
La proception qui est censée établir une figuration peut être complétive : c'est le cas avec les esquisses qui nous incitent à compléter les informations fournies, dès lors que les sensations procurées ne suffisent pas à les établir.
Le Tintoret (Jacopo TINTORETTO), Baptême du Christ (détail), huile sur toile, 1581. Scuola di San Rocco, Venise.
La proception convoquée dans une représentation ne permet pas toujours de faire apparaître tous les paramètres des entités figurées (pas plus que nous avons accès à la totalité des aspects d'un objet concret dans la réalité qui nous entoure). Sur cette toile du Tintoret, elle est contrôlée de manière à nous donner l'impression d'un éclairage à contre-jour sur les personnages à l'arrière-plan, uniquement grâce à des contours aux lignes incertaines. Par ailleurs, la distance représentée incite à rendre compte d'une déperdition de certaines sensations que l'observateur peut compléter mentalement, produisant une simulation virtuelle des détails imaginés de ces mêmes personnages (les traits de leurs visages et la facture de leurs vêtements).
Reiser, couverture de Hara-kiri hebdo, impression sur papier journal, 10 mars 1969.
Dans une caricature, certaines parties des objets ou des personnages représentés ne sont pas toujours dessinés. Nous sommes dans ce cas incités à compléter mentalement ce qui est absent, par exemple ici le menton, les joues, la partie gauche de la bouche éxagérément ouverte de la femme surprise par le Concorde. Cela veut dire que dans cet univers particulier, nous acceptons que les doigts adoptent cette forme apparente qui nous est proposée mais non qu'il puisse manquer des parties du corps du personnage. Nous supposons donc que la proception correspondant aux différents éléments représentés n'a pas été convoquée partout et qu'elle est complétive à certains endroits (ce qui entraîne la construction mentale d'une insinuation virtuelle).
La proception ne renvoie pas à quelque chose qui a existé, elle est un moyen de rendre cohérentes les relations entre les différents éléments d'un univers visuel selon les critères du contexte choisi. Sur cette couverture le monde figuré n'est certes pas réaliste mais ses constituants partagent certains comportements avec notre réalité. La proception est tout aussi irréaliste que les images qui en ressortent mais elle est néanmoins nécessaire dans ce type de représentation.