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Tout en déduisant
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Le 30 mars 2010, Marion Botella interview Patrice Hamel sur le processus de créativité artistique pour le projet ANR/CREAPR. Ci-joint la retranscription écrite de l'enregistrement pris sur le vif de cet entretien oral (ci-dessous images de Correspondances, opéra de Dalbavie-Hamel-Lelong).
[…] MB : On a aussi parfois l’idée du mythe de l’artiste qui se réveille la nuit avec une idée et qui se met à peindre sa toile de façon un peu frénétique ? Est-ce que cela vous arrive ou pas du tout ?
PH : Je ne suis pas très romantique ni mystique. Comment dire ? Il faut donner de la matière au cerveau pour qu’il travaille tout seul. Cela arrive qu’il travaille tout seul, mais à condition qu’on ait déjà préparé le terrain. Alors, il y a un moment donné, où toute une phase du processus de création se met en branle et qui est en partie inconsciente, c’est clair. Mais c’est la conscience qui donne le boulot de départ et qui choisit à l’arrivée. Et comme vous savez je théorise beaucoup (sans théorie, je ne saurais que faire), les choix purement instinctuels ou subjectifs ne m’intéressent pas tellement, donc... j’aime qu’il y ait une raison qui motive tous les choix que je fais. Cela suppose une préparation théorique assez forte et puis une étude du lieu, des conditions de base. Mais il arrive que « cela » travaille la nuit bien sûr. Mais ce n’est pas rêvé forcément pour autant. Il y a une histoire racontée par Hitchcock qui est très drôle. Il rêve d’un scénario de film formidable chaque soir. Il ne s’en rappelle jamais. Et puis, un jour il décide de mettre un crayon et une feuille sur sa table de nuit... Il se dit que : « peut-être, comme cela, j’aurais une trace, un souvenir... » Alors effectivement, il rêve à nouveau d’un scénario de film formidable et il se réveille, il a le temps de noter. Il se rendort et puis le matin, il se prépare, tout cela, et à un moment il se rappelle et il se dit : « Zut ! encore oublié », puis « ah mais si ! Cette fois-ci, j’ai noté ». Il va donc regarder sa feuille. Et le scénario est celui-ci : un homme tombe amoureux d’une femme. Souvent, on croit qu’on a des idées géniales en rêvant mais, si on peut vraiment s’en souvenir, en réalité on s’aperçoit que ce n’est pas formidable. Donc pour résumer, je ne suis pas du tout contre l’instinct. Simplement, je préconise un instinct éclairé. Vous voyez ce que les gens disent souvent :« Ah oui, ces artistes ont de l’instinct, c’est intuitif, machin ». Ok tout dépend si ça a été nourri... Voilà. C’est un peu comme les réflexes (je veux vraiment essayer de répondre à cette question, je ne veux pas me défiler donc on va essayer de jouer le jeu) : j’ai fait de l'escrime par exemple. Vous savez c’est un sport monstrueux au niveau de la rapidité et il faut vraiment... acquérir des réflexes. On pourrait croire que les réflexes, c’est un truc donné comme cela, qu’on en a ou qu’on n’en a pas. Non. Cela se travaille aussi. Vous voyez. Et bien, je pense que l’instinct, c’est pareil. Plus on a réfléchi, plus on s’est entraîné à résoudre des problèmes artistiques et plus l’instinct effectivement peut être de qualité et rapide. Mais ce n’est pas la même chose que ce que l’on entend habituellement par « instinct », quand on suppose que cela viendrait du ciel...
MB : Oui. Ce n’est pas une idée magique...
PH : Exactement. Cela ne provient pas d’une opération du Saint Esprit […]