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"VIRTUELLES RÉALITÉS" publié in TURBULENCES-VIDÉO #108, 2020, pp.149-197 :
Ci-dessus : Richard Jackson, Rennie 101 (2009‐2010), toiles sur acrylique. Courtesy : Rennie Collection.
A. Définitions : Il s’agit d’abord de préciser ce que l’on entend par « virtualité ». Ce terme a en effet été mis à mal et sert à désigner toutes sortes de pratiques ou d’objets qui ne méritent pas toujours d’être ainsi qualifiés. Nous nous focalisons dans ce texte sur la virtualité concernant ce qu’on imagine dans notre tête, ce qui demeure mental chez l’observateur, et qui ne trouve pas simultanément de contreparties stimulatives externes à notre organisme, tout en étant provoqué par des représentations ou des sensorialités effectives. Il convient donc dans un premier temps de définir les différents types de sensorialités.
B. Le virtuel : Il se divise en virtualités constitutives ou complétives. Les premières concernent les représentations qui font apparaître à l’esprit, par le biais de codes établis, des sensorialités qui s’opposent d’emblée au domaine sensoriel effectif convoqué. Par exemple, un mot écrit relève du visuel et fait surgir des phonèmes dans notre tête. Nous sommes ainsi amenés à distinguer l’insignation, l’évocation, et l’insinuation selon différentes modalités de relations entre représentants et représentés. Les virtualités complétives, de leur côté, concernent ce qui est occulté ou absent et doit être complété mentalement par l’observateur pour advenir. Elles affectent toutes les représentations dès lors qu’elles mettent en œuvre des aspects qui relèvent du manque. Celui-ci peut toucher les entités dans leur être, il est dès lors qualifié d’ontologique, ou s’appliquer à des règles ou des structures, il est alors législatif. Le virtuel peut également se référer au paraperceptuel, c’est-à-dire aux sensorialités issues de stimuli internes à l’organisme. Nous sommes à même, dans certaines circonstances, de produire des sensorialités effectives qui n’ont pourtant pas de contreparties stimulatives externes. Elles peuvent non moins participer parallèlement à constituer des virtualités. C’est le cas, par exemple, avec la fameuse surface triangulaire de Kanizsa qui semble recouvrir partiellement un triangle constitué de contours.
C. Avenir des médiums : Les virtualités ne concernent pas seulement le passé ni les techniques picturales, et nous montrons comment elles sont activées dans une installation lumineuse (un éclairage réfléchi de Michel Verjux) et un roman auto-désignatif récent (« Dans la boucle imparfaite » de Patrice Hamel).
D. Quelles applications de la « virtuelle réalité » dans les nouvelles technologies ? : L’avenir des techniques conduit à réfléchir aux modalités d’intrications entre domaines, soit hétérosensorielles (entre un monde tactile et un monde visuel) ou homosensorielles (entre images vidéo et images de « réalité virtuelle »). Ce qui conduit à penser les manières de passer d’un univers à un autre par le biais de transitions représentationnelles qui sont déclinées en contamination par alternance, morphing, mapping, substitution progressive, raccord par imitation, imbrication, raccord par similitude, zone ambiguë, fondu-enchaîné. Les transitions pourront non moins se réaliser spatialement en confrontant le fictif et le fictionnel, la réalité véridique et la réalité factice. Un parcours semblera s’effectuer entre les différents points de vue des personnes équipées de visiocasques dans l’assistance. 2020 @ Patrice Hamel
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(Le Jour, sculpture réalisée par Michel-Ange)
"UN ART IMMANENT", publié dans Formules n°19 (Formes : supports/espaces) revue des créations formelles (colloque de Cerisy-la-Salle tenu en 2014), Presses universitaires du nouveau monde, 2015.Nous nous intéresserons aux travaux d’arts plastiques qui fournissent par eux-mêmes explicitement leurs clés d’appréhension. Pour ce faire nous analyserons moins les programmes conceptuels, établis avant la réalisation des œuvres, que ce qui est fourni par les éléments exposés en tant qu’ils sont considérés comme un préalable aux conséquences d’une appréhension cognitive. Le support de l’œuvre sera donc sensoriel avant tout. Et nous signalerons comment l’art conceptuel peut dans certains cas néanmoins échapper à ses directives téléologiques.
Nous expliciterons les différentes modalités de représentations et de sensorialités qu'il est possible d'explorer. Nous montrerons comment les stimuli mis en cause sont parfois effectifs ou au contraire implicitement représentés selon le contexte ambiant.
Enfin, nous aborderons l’appréhension des travaux plastiques et leur articulation à l’espace sensoriel d’accueil, et expliquerons que cette dépendance même contribue à en faire des œuvres, non parce que l’espace déjà sacralisé les convertit, en leur servant d’écrin valorisant, mais parce qu’ils sont déduits de ce lieu d’une manière spécifique.
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(Shuttlecocks, sculpture par Claes Oldenburg & Coojse van Bruggen)
"LE TEXTE FIGURANT (À LA SOURCE DES MONDES CONTRAINTS)", publié dans Formules N° 17 (Mondes contraints) revue des créations formelles, Presses universitaires du nouveau monde, 2013.
Où l'on trouvera un extrait du roman en cours d'écriture L'insinuation, qui porte le nom d'un nouveau concept d'appréhension sensorielle non moins défini dans cet article (et dont on peut trouver quelques exemplifications à la rubrique "Théorie de l'art"). V. PARTICIPATIONS
"Le rôle de la fiction, passablement mis à mal aujourd’hui par des récits pourtant prétendument fictionnels qui sacralisent les contenus préexistant à l’acte d’écrire, doit être réhabilité en prônant la démarche inverse, la déduction de sens à partir de caractéristiques formelles appartenant au médium choisi. Il ne s’agit plus ainsi de révéler la supposée vraie nature inaltérable des choses mais de produire un contenu susceptible de modifier la perception des éléments responsables de son émergence. Je montrerai, en analysant un extrait de mon futur roman, L’Insinuation, comment les aspects visuels du texte peuvent devenir l’élément déclencheur à la source des mondes contraints et être en retour contaminés par les modalités de représentation mises en œuvre" PH.
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(Texte figurant dans les registres paroissiaux de Colombier en Brionnais)
"DES REPRÉSENTATIONS RÉSOLUES", publié dans Mehrsprachiges Denken – Penser en langues – Thinking in languages sous la direction de Marco Baschera (Figurationen 10, 1-2), Böhlau Verlag, Köln/Weimar, 2009.
[…] Exprimer un vécu tourmenté très étranger à l’écriture qui l’a pourtant fait exister sur le papier (bonjour l’autofiction), brouiller l’écoute (célèbre contrepèterie) pour mieux nous interdire de repérer les constituants musicaux (selon une stratégie d’intimidation trop répandue), favoriser "les intentions de l’auteur" au détriment de ce qui peut être décelé véritablement dans l’œuvre concernée (rien d’un tas de bonbons, sinon les commentaires parallèles des critiques avertis, ne nous incite à le faire correspondre au poids d’un précis individu de surcroît décédé), autant de façades (elles s’alignent en grands boulevards) qui nous distraient pour mieux dissimuler la faiblesse de leurs soubassements tangibles. L’affaire se corse dès lors que tout principe faisant écran à l’appréhension des opérations sensorielles engrangées devient, chez certains, le signe même d’une pratique contemporaine digne d’intérêt. Car, loin d’être considérées comme des supercheries, les productions qui en découlent sont ainsi valorisées par leurs promoteurs flattés de faire partie d’un clan d’élus d’autant plus privilégiés qu’ils croient savoir établir des jugements en outrepassant les principes biologiques de l’humaine sensation. Or rien ne dit qu’il faille abdiquer […] PH.
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(Revers d'une peinture, huile sur toile, par Cornelis Norbertus Gijsbrechts)
"HEUREUX CAS !", publié dans Eurêka!, Le moment de l’invention - Un dialogue entre art et science, sous la direction d’Ivan Toulouse et Daniel Danietis, Ed. L'Harmattan, Collection « Arts 8 », 2008.
[…] Tout à coup, j’eus le sentiment d’avoir trouvé ce qui pouvait être à l’origine de l’apparition d’une manière de nouvelle révolution copernicienne affectant les pratiques artistiques, qui, à la fin du XIXe siècle, bouleversa les mentalités en forgeant la notion de modernité, telle qu’elle peut être encore utilisée par les plus novateurs de nos contemporains, notion basée sur un principe heuristique radical préconisant la déduction du sujet de l’œuvre à venir. Ce sentiment m’amène à exposer aujourd’hui les arguments qui m’autorisent à émettre l’hypothèseque que la théorie de l’évolution darwinienne est la principale responsable de l’émergence du concept de modernité artistique […] PH.
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(Portrait photographique de Charles Darwin).
"LA SENSATION DE L'ESPRIT", publié dans Patrice Hamel, monographie, éditions mf, 2006. Lien à consulter : éditions mf
[…] Les sensations ne dérogent pas à ces règles et sont sujettes aux mêmes différents «degrés de réalité» qui provoquent en nous de nombreux états que nous ressentons comme s’ils constituaient autant de territoires dans lesquels nous évoluons simultanément. Ces espaces concomitants font cohabiter, dans la plus parfaite confusion, l’imagination et les sens, les perceptions et les impressions, comme s’ils étaient disjoints, mais peuvent, selon les moments, tout aussi bien, les faire se connecter les uns aux autres sans que nous en soyons conscients. Il se trouve que l’analyse des œuvres d’art élaborées jusqu’à aujourd’hui constitue l’un des moyens qu’il est loisible d’utiliser pour parvenir à clarifier la situation et, pourvu que nous théorisions un tant soit peu, nous aider à découvrir les catégories d’appréhensions sensorielles susceptibles de classifier les traitements distinctifs qui stratifient cet ensemble. Il se trouve inversement que ces mêmes œuvres deviennent plus explicites lorsque nous sommes capables de distinguer les différentes sortes de sensations dont nous sommes les artisans. C’est du moins le point de vue que je m’évertue à défendre. L’examen des travaux artistiques sélectionnés par mes soins au fil des ans m’a donc permis d’étudier parallèlement le comportement sensoriel humain. Par leur intermédiaire j’ai pu en effet très souvent mettre le doigt sur des phénomènes qu’il est plus difficile de cerner dans d’autres situations. Certaines œuvres, en déclenchant les mécanismes producteurs de sensations, sont aptes à éveiller notre attention sur ce sujet. En retour, la compréhension des différentes strates sensorielles permet de repérer les œuvres susceptibles de fournir leurs clés d’appréhension. En tenant compte de l’intersubjectivité des conditions réceptives que partagent les observateurs, nous possédons l’un des meilleurs moyens pour lutter contre «l’illusion intentionnelle» dont sont victimes de nombreux auteurs […] PH
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(Fulgurance immobile, photographie)
"L'ARTICULAIRE", publié dans Perec etc., derechef - Textes, lettres, règles & sens, éd. Joseph K, 2005. Lien à consulter : Joseph K
[…] Mais il y a plus, car l’interprétation est à la base de l’existence des Répliques. La phase d’exécution qui renouvelle à chaque fois l’appréhension d’une partition musicale, d’autant plus importante avec les musiques qui reposent sur des structures ambivalentes, n’est elle-même pas exclue du principe des Répliques, car chacune d’elles est présentée sous différentes Versions, modifiées à chaque fois par le lieu auquel elles s’articulent et qu’elles transforment à leur tour. En rendant perceptibles les fonctionnements qui organisent la production artistique d’un domaine particulier, il devient possible de les comparer, voire de le relier, à ceux qui structurent d’autres arts de manière similaire. En effet, tenter d’articuler les différents paramètres de disciplines artistiques distinctes nécessite de rendre explicites certaines règles gérant leurs compositions et d’ainsi parvenir à mettre en valeur aussi bien leurs spécificités irréductibles (qui font qu’elles demeurent autonomes) que leurs possibles liens fonctionnels (qui leur permet de s’articuler). Car c’est bien selon le principe des autonomies articulées que devraient être conçues les ouvrages pluridisciplinaires, tels les opéras. Mais l’indifférence interdomaniale qui caractérise aujourd’hui ce genre ne parvient qu’à jumeler la condescendance vis- à-vis du public avec une nouvelle forme d’académisme. La trace d’une incompréhension s’immisce parfois, éloignant les œuvres de leurs récepteurs quand ceux-ci ne fournissent pas l’effort nécessaire pour les aborder correctement. En fournissant les clés d’appréhension de leurs œuvres en leur sein, puissent les créateurs en réduire l’écart ! […] PH POUR LIRE EN ENTIER CET ÉCRIT CLIQUER SUR L'IMAGE CI-DESSOUS
(Portrait photographique de Georges Perec)
"PARTIES LIÉES", publié dans Le renouveau de l’art total, colloque de la Sorbonne publié aux éditions L’Harmattan, 2005.
[…] Il apparut que notre méthode permettait d’échapper à l’académisme conservateur qui s’établit sur le mode de l’illustration (lorsque par exemple la musique exprime les sentiments des personnages), et qu’elle autorisait non moins à sortir de l’académisme avant-gardiste qui repose sur l’indifférence (c’est le cas notamment lorsque la mise en scène ne se soucie pas des opérations musicales) mais sans exclure toutefois ces possibilités lorsqu’elles s’avèrent pertinentes. Deux problèmes différents étaient donc évités. Le premier, comme on l’a vu, tend à occulter les paramètres soumis à l’histoire prééminente. Le second, en prônant la juxtaposition, interdit toute relation entre disciplines, les isole dans leur spécificité. Comme si les domaines, tout en étant radicalement différents, n’avaient rien en commun. Comme si les spécificités ne changeaient pas en fonction du contexte et de l’influence réciproque entre les divers éléments mis ensemble. Afin d’éviter ces deux inconvénients il fallut choisir une méthode reposant sur un travail collectif et nous en sommes venus à préconiser les relations interdomaniales, avant tout autre préoccupation […] PH
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(Mise en scène de Tristan und Isolde par W. Wagner)
"L'ARTICULATION DES PROCÉDURES", publié dans Formules n° 6, éd. Noesis, 2002. Liens à consulter : Formules ou Reflet de lettres
[…] Tout l’intérêt que chaque Réplique est capable de susciter ne repose assurément pas sur la seule satisfaction d’y déceler l’aboutissement d’une contrainte formelle produisant un ambigramme. Devant ces œuvres, il s’agit plus précisément d’être attentif à l’articulation minutieuse de quatre procédures distinctes ayant pour but de rendre conscient l’observateur des opérations mentales multiples qu’il effectue pour établir devant lui les réalités apparentes et les articuler aux représentations qu’elles permettent d’inférer. […] Sont ainsi articulés de manière à leur donner la même importance, le vu, le lu, le conçu et l’in situ. […] PH
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(A Chair, Jardin du Luxembourg, photocollage, par David Hockney)
"POUR UN LIBRE AFFECT", publié dans Musique, affects et narrativité, Collège international de philosophie & PUF, 1998.
[…] Mais le conditionnement entraîné par l'évocation d'affect est particulièrement difficile à contrer, puisque les perceptions capables dans ce cas d'établir la distanciation recherchée sont de nature spéciale. En effet, pour qu'une distanciation vis-a-vis des effets d'évocations puisse s'effectuer, sans procurer l'indifférence aux percepts favorisant leur oubli, l'affect évoqué, pour être déstabilisé dans son apparente autonomie, devra se confronter à un affect « perçu », c'est-à- dire réellement éprouvé. On l'a vu, ces deux types d'affects peuvent facilement être confondus puisque l'affect fictif est évoqué par l'observateur-auditeur, et que l'affect réel investit nécessairement le corps du même sujet, et non un élément externe. Or il est aujourd'hui impossible (et sans doute peu souhaitable) d'agir à chaque instant sur les affects de la réalité apparente (il faudrait pour cela intervenir directement sur les groupes de neurones des zones corticales responsables de nos émotions). Du moins peut-on empêcher que les affects ressentis ne soient dirigés par d'équivalents affects évoqués, afin que nous prenions conscience de leur différence. C'est pourquoi il semble nécessaire de rendre libre l'observateur-auditeur d'éprouver ce qu'il désire face à un objet artistique, sans chercher à évoquer un affect particulier, ou tout au plus en espérant qu'il sera heureux de comprendre les fonctionnements mis en œuvre. Car dans ce cas, l'affect ressenti ne sera pas subi passivement, en calquant une évocation de même nature, mais sera accepté en connaissance de cause, et l'éventuel plaisir éprouvé apparaîtra comme une sorte de conséquence, de récompense, de ce que l'on aura saisi. L'affect ressenti sera surtout personnel et variera selon l'expérience de chacun […] PHPOUR LIRE EN ENTIER CET ÉCRIT CLIQUER SUR L'IMAGE CI-DESSOUS
(Le baiser, sculpture, par Auguste Rodin)
"SPATIALITÉS AUDIOVISUELLES", publié dans L’espace : Musique/Philosophie, éd. L’Harmattan, 1998.
[…] L'illustration, l'expressivité, semblent dominer les pratiques pluridisciplinaires au point que les produits artistiques relevant de cette catégorie ne proposent que des variations sur le même principe. Des styles ou des méthodes différentes sont éventuellement utilisés, des innovations dans l'un ou l'autre des domaines convoqués sont parfois entreprises sans que le rapport interdomanial soit véritablement considéré comme pouvant être soumis à un travail analogue. Or cette absence est d'autant plus déplorable que la manière de mettre ensemble des disciplines distinctes est pourtant ce qui importe le plus dans une œuvre de cette nature. Une alternative à l'illustration est donc principalement revendiquée : l'indifférence. Certes ce fut dans un premier temps (je pense principalement à la collaboration Cunningham-Cage) une façon d'ouvrir la voie à de nouvelles perspectives, mais celles- ci furent rarement exploitées encore moins systématisées. En fait, l'illustration et l'indifférence sont deux pièges dans lesquels il vaut mieux ne pas tomber, si l'on désire continuer à progresser dans la compréhension de ce qui distingue ou rapproche des domaines qui ont été rassemblés au sein d'une même œuvre. Mais l'on aime bien parfois entretenir les oppositions apparemment radicales afin de faire croire qu'il n'y a pas d'alternative, et mieux cacher ainsi que des solutions, plus déstabilisantes, résident peut-être ailleurs […] PH
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(Portrait photographique de John Cage et Merce Cunningham, par Jack Mitchell)
"EMERGENCE DE LETTRES", publié dans Formules n° 1, éd. Noesis, 1997. Liens à consulter : Reflet de lettres ou Formules
[…] Il est une doctrine particulièrement difficile à contrer tant elle semble répandue : elle s'appelle le réalisme. Chassez-le par la porte de la représentation, il reviendra par la fenêtre de la présentation. Que les réalistes dénoncent les pièges du leurre idéaliste (enclin à occulter les réalités) et ils tomberont dans ceux du leurre matérialiste (qui dissimule les mécanismes cognitifs). Autrement dit, beaucoup de ceux qui contestent le premier réalisme ignorent qu'ils sont encore pris au piège du second. Les réalistes de la représentation entretiennent, dans les produits qu'ils fabriquent ou qu'ils vénèrent, la transparence des opérations effectuées par l'intermédiaire du support utilisé. Les histoires, les messages, les sujets sont alors privilégiés et traités de façon que nous n'ayons pas à nous interroger sur les principes qui ont permis de les faire advenir. Davantage, ils tendent à faire oublier le support même de l'écriture : entraînés ainsi à être attentifs aux seuls effets sémantiques, nous cessons notamment de percevoir la typographie. Quelles que soient leurs intentions (ils dénoncent parfois, plus souvent confortent les idéologies ambiantes), les réalistes de la représentation nous transportent en d'autres lieux que celui du médium dont ils se servent, en nous donnant l'impression que ces lieux existent ou pourraient exister de manière autonome — nous nous contenterions de les transcrire, alors qu'ils résultent d'agencements mentaux —, faisant de nous, sous cet angle, des dupes et non des complices. Avec les réalistes de la présentation le problème est repoussé d'un cran. Parmi eux en effet, ceux qui essayent de mettre en évidence le support oublient que celui-ci est lui-même le résultat d'un procès cognitif que la prégnance de la matérialité apparente peut dissimuler […] PH
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(Point de vue sur la fin du monde à Petra, photographie, par Patrice Hamel)
"ELOGE DE L'APPARENCE", publié dans Cahiers marxistes n° 194, Bruxelles, 1994.
[…] Car l'autre leçon d'Ubik est précisément qu'il peut exister des aspects identiques à l'intérieur de représentations et de conformations simultanées. C'est pourquoi, dans ce récit, un sas entre les différents mondes fictionnel et réel peut être réalisé. Il s'effectue, en l'occurrence, par l'intermédiaire de la parole ou de l'écrit. La parole est le seul médium qui permettra à Runciter d'échanger des propos avec son employé, ce dernier croyant les entendre réellement, le premier se contentant de les penser tout comme nous-mêmes imaginons le son des mots dans notre tête. Dans ce cas, nous nous identifions à Runciter sans qu'un élément à l'apparence concrète ne vienne nous perturber. Ce que nous nous représentons (le son des paroles prononcées) coïncide avec ce que nous imaginons en lisant les phrase écrites du livre que nous tenons en mains (les sons des mots). Car les traces imprimées que nous déchiffrons en lisant sont bien visibles mais demeurent totalement silencieuses (elles n'émettent aucun son de nature conformative, c'est nous qui le fabriquons mentalement). En revanche, l'écrit interne, concrétisé au sein de l'histoire vécue par Chip est ressenti comme un véritable choc par les lecteurs lorsque leur apparaît en même temps qu'au héros cette phrase : JE SUIS VIVANT ET VOUS ETES MORTS. Car cette fois nous percevons effectivement ce que perçoit de la même façon l'un des protagonistes, qui plus est membre d'un univers diégétique doublement fictif. Nous ne nous contentons pas, comme précédemment, d'imaginer les paroles émises par Runciter, mais nous avons bien sous les yeux ce qu'il a écrit, depuis « l'extérieur », à l'intention de son employé. Ce n'est donc pas seulement narrativement que tout bascule (Joe et son équipe se croyaient jusque-là vivants et croyaient Runciter mort). Un instant, nous hésitons entre plusieurs hypothèses : la fiction est-elle devenue plus vraie que la réalité ? Est-ce l'inverse ? Sommes-nous responsables du message adressé à Chip ? Runciter essaye-t-il de nous contacter ? […] PH
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(Un paquet de chips par la marque Joe : le personnage principal dans Ubik, de Philip Kindred Dick, se nomme Joe Chip)
"IMAGES DE PASSAGE", analyse du film interne dans Sherlock Jr. de Buster Keaton par Patrice Hamel & Guy Lelong, publiée dans Conséquences 15-16, éd. Les Impressions Nouvelles, 1992. La séquence analysée peut être vue sur ce lien (à partir de 15' 50").
[…] Le plan suivant montre la salle de cinéma en légère plongée. Vus de dos et assis de chaque côté d'une allée centrale, les spectateurs observent le film qu'on leur projette. L'écran, dont l'axe de symétrie vertical coïncide avec celui de l'image entière, se tient dans la moitié haute de celle-ci. K pénètre alors dans la salle et s'assoit à même l'allée pour mieux suivre le déroulement du spectacle. Regroupés sous l'écran, plusieurs musiciens, dont un pianiste bien visible, accompagnent la projection. Celle-ci montre une chambre à coucher où le même rival courtise la jeune fille dont K, à l'instar de son double, semble épris. Exaspéré au point de ne plus tenir en place, il s'approche graduellement de l'écran, saute sur le rebord faisant office d'avant-scène et, ô surprise, entre dans le film. L'événement est d'autant plus remarquable que l'image globale (celle de Sherlock Junior proprement dit) n'est affectée d'aucun changement de plan, le passage de la salle au film ayant été tourné en une seule prise continue. Aussi les deux lieux se révèlent-ils de même nature et la projection cinématographique interne, d'abord effective, s'avère-t-elle maintenant simulée. Découpée par un cadre imitant la bande noire dont les écrans de cinéma étaient naguère entourés, la scène, présentée de face, revêt d'autant plus l'apparence d'un film qu'elle en reçoit l'éclairage approprié. Pourtant, la visible soumission des acteurs et des spectateurs à une même perspective suffit à signaler l'éventuelle identité des deux milieux. Mais, d'entrée de jeu, le leurre est si bien construit que la représentation scénique passe au contraire pour une projection cinématographique frontale montrant des acteurs filmés en pied. Avant, du moins, que l'intrusion de K ne provoque, à la lettre, son coup de théâtre […]
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(Image extraite de Sherlock Jr., réalisé par Buster Keaton)
"ÉCOUTEZ VOIR !", publié dans Conséquences 7-8, éd. Les Impressions Nouvelles, 1985-86. Lien à consulter: Les Impressions Nouvelles
[…] Retrouvons les rapports image-son, et prenons comme exemple un haut-parleur, filmé en plan fixe et diffusant des paroles enregistrées. La plupart des cinéastes traiteront cette situation comme une sorte de synchronisme, car ils ne considéreront pas les effets perçus. En fait, I'image statique du haut-parleur combinée aux sons animés qu'il est censé propager, revêt sans conteste l'aspect du diachronisme. Certains n'ont pas manqué de tirer profit de ce conflit. Orson Welles notamment, à la fin de Confidential Report, réalisa, à partir de ce même référent visuel, une succession, remarquable dans sa progression, de plusieurs sortes de diachronismes. Voici comment :
En plein vol, depuis son avion personnel, Arkadin tente de contacter sa fille à l'aide d'un micro. Son appel désespéré est diffusé dans la tour de contrôle de l'aéroport, à travers un haut-parleur dont l'image, figée, est responsable, par l'opposition qu'elle instaure avec le son, de toute la tension de la scène. Depuis la tour, la fille parvient à échanger, grâce au même relais, un dernier dialogue avec son père. Les conséquences en sont décisives, puisque ses ultimes paroles sont entendues à travers le haut-parleur de l'avion maintenant abandonné et qui semble aller à la dérive (entraînant dans son mouvement le haut-parleur) : le diachronisme ne porte plus sur l'opposition statisme/mouvement (image fixe du haut-parleur versus paroles agitées), mais concerne deux types différents de mouvements sonore et visuel (les paroles de la fille d'Arkadin et l'image du haut-parleur flottant). Un accord entre image et son tente par conséquent de s'établir, mais trop tard. Enfin, lorsque l'on revient à la tour de contrôle, le premier haut-parleur, toujours fixe, n'émet plus que des grésillements dont il paraît être la cause (et provenant vraisemblablement du micro de l'avion auquel il est relié). La disparition de toute intervention externe au système radio lui-même (I'on n'entend plus de voix mais des crépitements) conduit à un diachronisme dont l'homoréférentialité est sans équivoque. Par là même, ce dernier rapport discrédite rétroactivement la relation homoréférentielle que l'on aurait pu supposer entre les voix et le haut-parleur considéré comme source des voix entendues […] PHPOUR LIRE EN ENTIER CET ÉCRIT CLIQUER SUR L'IMAGE CI-DESSOUS
(Image extraite de Mr. Arkadin, réalisé par Orson Welles)
" INSUPORTABLE TÉLÉVISION " (analyse des fonctionnements télévisuels, en collaboration avec Guy Lelong) publié dans Conséquences 1, 1983, éd. Les Impressions Nouvelles. Lien à consulter : Les Impressions Nouvelles
[…] Sous ce titre, il s’agira, non de s’attaquer aux programmes de la télévision – programmes dont nous jugerions les contenus insupportables –, mais bien plutôt d’analyser les fonctionnements de la télévision – fonctionnements dont rien n’assure que ce ne sont pas eux, en fait, qui programment l’insupportable des contenus. Démarche donc menée sur la fabrique d’un dispositif, et contraignant de revenir sur des mécanismes généralement considérés comme trop évidents pour qu’on s’y arrête, ou plutôt se faisant passer pour tels pour qu’on ne s’y arrête pas. Aussi commencerons-nous par cette question : qu’est-ce que l’image télévisée ? […] PH & GL
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(Image extraite du 7e continent, réalisé par Michael Haneke)
Ci-dessous : Eadweard Muybridge, Locomotion animale, 1887 © avec l'aimable autorisation de Beetles + Huxley